Editorial du numéro 51

Un appel téléphonique le lundi avant le mercredi des cendres : c’est une animatrice de Radio Mélodie qui veut joindre le curé à propos de l’origine religieuse des « beignets ». En voilà une question ! Pour l’histoire de l'Église, la Bible, la théologie ou la liturgie, je pense être suffisamment cultivé, mais pour ce type de question culinaire, j’avoue mon ignorance. Toutefois je lui réponds qu’il me semble cohérent qu’avant le grand jeûne du carême, on fasse carnaval (d’autant plus que ‘carnaval’ vient de ‘carne’ c’est à dire viande) et que divers gâteaux agrémentent ces derniers jours de festivité. De plus, les beignets étant forcément fris, et donc bien gras, il n’est pas impossible qu’ils ont été à l’origine de l’appellation « mardi gras ».
Dans ma prière du soir, reprenant ma journée, j’ai trouvé dommage de ne pas avoir profité de cette occasion pour relier cette histoire à l’épisode d’Elie (1 Roi 19) : avant sa marche de 40 jours au désert (anticipation du carême) et sa rencontre avec Dieu qui n’est pas l’expression des forces de la nature ou le Jupiter qui terrasse ses ennemis par la foudre, mais Celui qui parle au cœur de l’homme, donc avant cette expérience spirituelle, par deux fois, un ange fût chargé de nourrir Elie d’une galette et d’un peu d’eau, car « sinon la route aurait été trop longue pour lui ». Nos beignets ne sont-ils pas comme un écho lointain de cette invitation divine : prenez des forces pour avancer sur la route spirituelle à la découverte de Celui qui donne sens et transforme notre existence. Pour les chrétiens, ce pain pour la route est par excellence l’Eucharistie.
Des jours plus tard, dans un autre temps de prière et de méditation, je n’ai pas pu ne pas faire le lien avec ce qui se passe à l’autre bout du Carême, avec le triduum pascal et Pâques. En effet, nous allons trouver de nombreuses photos et articles dans la presse des crécelleurs – et tous ne sont pas forcément des enfants de chœur – et peut-être vais-je avoir une demande analogue à celle des beignets quant au départ des cloches le jeudi saint. Si le lièvre de Pâques est une réminiscence païenne du culte du printemps, le joyeux carillon des cloches annonce à tous la Bonne Nouvelle de la Résurrection du Christ et invite les chrétiens tout au long de l’année à célébrer cet événement et ce mystère. Il en est de même pour les œufs de Pâques, qu’ils soient décorés à la manière orientale, les fameux pisanki, ou en chocolat selon notre tradition plus occidentale : ils sont symbole de vie, de la vie divine révélée dans le Christ Ressuscité.
Le folklore peut ainsi devenir encore une invitation pour nos contemporains à une démarche de recherche de sens et de vérité sur soi-même. Comme souvent, un petit événement peut devenir l’occasion d’une véritable mise en route et mener loin...
En Église, nous aurons la joie de célébrer tout au long de ce Carême dans notre archiprêtré la « traditio » (la transmission du ‘Notre Père’ et du ‘Credo’) et les « scrutins » (étapes finales) pour deux adultes, Sandra à Grosbliederstroff et Sylvie à Sarreguemines, qui recevront le baptême (et l’Eucharistie tout comme la confirmation) lors de la Vigile pascale. N’est-ce pas là un signe fort que le Seigneur parle toujours au cœur des hommes et des femmes de ce temps, et cela à tous les âges de la vie.
C’est aussi ce que nous voulons vivre et célébrer lors du dimanche intergénérationnel qui se veut être un temps fort – c’est pourquoi la messe unique – de notre communauté de paroisses, le dimanche 6 avril prochain. Que la joie, la lumière et la force du Ressuscité fassent de nous des vivants, de la vie même de Dieu.
Christ est ressuscité ! Bonnes et saintes fêtes de Pâques !

Abbé Jean-Luc JOST +