Editorial du n° 52

Je reprends une phrase du message des Pères du concile Vatican II à l'humanité le 20 octobre 1962, message sur lequel Mgr Lagleize avait attiré notre attention lors des journées de formation diocésaine : « Dans cette assemblée, sous la conduite de l'Esprit Saint, nous cherchons comment nous renouveler nous-mêmes pour nous trouver de plus en plus fidèles à l'Evangile du Christ » .
C'est là le résumé de notre vie chrétienne : être fidèle à Jésus et à Dieu qui l'a envoyé. D'ailleurs, nous chrétiens sommes appelés aussi du beau nom de « fidèles ». Et si nous sommes invités à être fidèles, c'est parce que Dieu, le premier, s'est montré fidèle. Nous pouvons lire toute la révélation chrétienne sous le thème de l'alliance. Aux deux premiers chapitres de la Bible, dans le livre de la Genèse, Dieu crée l'homme et la femme au sommet de la création. Aux derniers chapitres du livre de l'Apocalypse, le thème est celui de la Jérusalem céleste, qui est la nouvelle humanité sauvée dans le Royaume de Dieu, la nouvelle Eve, épouse du nouvel Adam qui est le Christ. La boucle est ainsi bouclée, avec au cœur de la révélation, l'envoi de Jésus qui veut faire alliance avec l'humanité, comme on le voit aux noces de Cana, et également quand il meurt sur la croix et où naît l'Eglise de son côté transpercé, comme Eve a été tirée du côté d'Adam.
Pourtant, nous nous heurtons à de nombreuses difficultés pour répondre à cette proposition d'alliance de la part de Dieu, comme le peuple d'Israël qui errait dans le désert et n'a pas réussi tout de suite à faire confiance à Dieu. Il lui a fallu pour cela 40 années de dur voyage dans le désert, ponctué par des reculs : l’idolâtrie du veau d'or. C'est une histoire toujours d'actualité avec les idoles d’aujourd’hui, déjà regroupées du temps de Jésus sous le thème de l'Argent. Dépassant les billets et la monnaie, il s’agit de nous poser la question, comme le disait St Augustin : à quelle cité appartenons-nous ? : Il a écrit « deux amours ont fait deux cités : l'amour de soi jusqu'au mépris de Dieu a fait la cité terrestre, l'amour de Dieu jusqu'au mépris de soi a fait la cité céleste ».
Or, pour faire alliance avec Dieu, il nous faut passer par cette étape que Jésus a appelée «prendre sa croix», renoncer à soi-même, qu'Augustin a appelée le mépris de soi. Face à de telles exigences, faire alliance avec Dieu peut paraître impossible pour certains, difficile pour d'autres ou peu enthousiasmant. Comment alors avoir cette joie de l'évangile ? Il faut d'abord comprendre les termes : le mépris ou le renoncement à soi, n'est en fait pas notre moi ou identité la plus profonde, car celle-ci se retrouve en Dieu, mais il s'agit de nous-mêmes en tant qu'indépendant de Dieu. La question peut donc se traduire : comment pourrons-nous trouver notre bonheur, en nous-mêmes ou en Dieu ? Or, comme le peuple d'Israël trouvait Dieu lointain et voulait se recentrer sur sa vie concrète, nous pouvons aussi trouver Dieu trop lointain par rapport à nos existences concrètes. D'ailleurs Jésus parle de Dieu comme de quelqu'un qui part en voyage, pendant que ses serviteurs travaillent. Bref comment faire alliance avec quelqu'un qui semble absent et nous laisser nous débrouiller et régler les éventuels problèmes ? Dieu part pourtant dans un but bien précis, et la parabole insiste sur le travail que les serviteurs font pendant son absence. Il leur permet de grandir par son absence. C'est un peu comme au début, les parents doivent tout faire pour leurs enfants, puis petit à petit ils les laissent de plus en plus faire par eux-mêmes. Il en est de même pour le travail. Le patron laisse de plus en plus d'autonomie à son employé, qui peut ainsi déployer sa créativité. Dieu souhaite que nous soyons grands pour le bien. C'est difficile à comprendre, mais Il est à la fois présent et absent. Quand nous lisons les récits de la Passion de Matthieu et de Luc, on voit ces deux aspects, rien que par la dernière parole de Jésus « Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m'as-tu abandonné ? », et « Père entre tes mains je remets mon Esprit ».
Lisons les signes de la présence de Dieu dans nos vies, qui se manifeste de tant de manières, personnes, événements, songes, histoire, sacrements, ..., et croyons que s'il semble parfois se retirer de nous, quand nous sommes dans l'épreuve, son projet est en fait de nous rapprocher de lui. Par cette difficulté surmontée, nous vivrons le projet de rénovation auquel nous sommes conviés avec toute l'Eglise.

Abbé Arnaud GRAEFFLY