Je reprends
une phrase du message des Pères du concile Vatican II à l'humanité le 20
octobre 1962, message sur lequel Mgr Lagleize avait attiré notre attention lors
des journées de formation diocésaine : « Dans cette assemblée, sous la conduite
de l'Esprit Saint, nous cherchons comment nous renouveler nous-mêmes pour nous
trouver de plus en plus fidèles à l'Evangile du Christ » .
C'est là le
résumé de notre vie chrétienne : être fidèle à Jésus et à Dieu qui l'a envoyé.
D'ailleurs, nous chrétiens sommes appelés aussi du beau nom de « fidèles ». Et
si nous sommes invités à être fidèles, c'est parce que Dieu, le premier, s'est
montré fidèle. Nous pouvons lire toute la révélation chrétienne sous le thème
de l'alliance. Aux deux premiers chapitres de la Bible, dans le livre de la
Genèse, Dieu crée l'homme et la femme au sommet de la création. Aux derniers
chapitres du livre de l'Apocalypse, le thème est celui de la Jérusalem céleste,
qui est la nouvelle humanité sauvée dans le Royaume de Dieu, la nouvelle Eve,
épouse du nouvel Adam qui est le Christ. La boucle est ainsi bouclée, avec au
cœur de la révélation, l'envoi de Jésus qui veut faire alliance avec
l'humanité, comme on le voit aux noces de Cana, et également quand il meurt sur
la croix et où naît l'Eglise de son côté transpercé, comme Eve a été tirée du
côté d'Adam.
Pourtant,
nous nous heurtons à de nombreuses difficultés pour répondre à cette
proposition d'alliance de la part de Dieu, comme le peuple d'Israël qui errait
dans le désert et n'a pas réussi tout de suite à faire confiance à Dieu. Il lui
a fallu pour cela 40 années de dur voyage dans le désert, ponctué par des
reculs : l’idolâtrie du veau d'or. C'est une histoire toujours d'actualité avec
les idoles d’aujourd’hui, déjà regroupées du temps de Jésus sous le thème de
l'Argent. Dépassant les billets et la monnaie, il s’agit de nous poser la
question, comme le disait St Augustin : à quelle cité appartenons-nous ? : Il a
écrit « deux amours ont fait deux cités : l'amour de soi jusqu'au mépris de
Dieu a fait la cité terrestre, l'amour de Dieu jusqu'au mépris de soi a fait la
cité céleste ».
Or, pour
faire alliance avec Dieu, il nous faut passer par cette étape que Jésus a
appelée «prendre sa croix», renoncer à soi-même, qu'Augustin a appelée le
mépris de soi. Face à de telles exigences, faire alliance avec Dieu peut
paraître impossible pour certains, difficile pour d'autres ou peu
enthousiasmant. Comment alors avoir cette joie de l'évangile ? Il faut d'abord
comprendre les termes : le mépris ou le renoncement à soi, n'est en fait pas
notre moi ou identité la plus profonde, car celle-ci se retrouve en Dieu, mais
il s'agit de nous-mêmes en tant qu'indépendant de Dieu. La question peut donc
se traduire : comment pourrons-nous trouver notre bonheur, en nous-mêmes ou en
Dieu ? Or, comme le peuple d'Israël trouvait Dieu lointain et voulait se
recentrer sur sa vie concrète, nous pouvons aussi trouver Dieu trop lointain
par rapport à nos existences concrètes. D'ailleurs Jésus parle de Dieu comme de
quelqu'un qui part en voyage, pendant que ses serviteurs travaillent. Bref
comment faire alliance avec quelqu'un qui semble absent et nous laisser nous
débrouiller et régler les éventuels problèmes ? Dieu part pourtant dans un but
bien précis, et la parabole insiste sur le travail que les serviteurs font
pendant son absence. Il leur permet de grandir par son absence. C'est un peu
comme au début, les parents doivent tout faire pour leurs enfants, puis petit à
petit ils les laissent de plus en plus faire par eux-mêmes. Il en est de même
pour le travail. Le patron laisse de plus en plus d'autonomie à son employé,
qui peut ainsi déployer sa créativité. Dieu souhaite que nous soyons grands
pour le bien. C'est difficile à comprendre, mais Il est à la fois présent et
absent. Quand nous lisons les récits de la Passion de Matthieu et de Luc, on
voit ces deux aspects, rien que par la dernière parole de Jésus « Mon Dieu, mon
Dieu pourquoi m'as-tu abandonné ? », et « Père entre tes mains je remets mon
Esprit ».
Lisons les
signes de la présence de Dieu dans nos vies, qui se manifeste de tant de
manières, personnes, événements, songes, histoire, sacrements, ..., et croyons
que s'il semble parfois se retirer de nous, quand nous sommes dans l'épreuve,
son projet est en fait de nous rapprocher de lui. Par cette difficulté
surmontée, nous vivrons le projet de rénovation auquel nous sommes conviés avec
toute l'Eglise.
Abbé
Arnaud GRAEFFLY